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Episode 14 : l'Estonie

Si vous avez lu ce blog depuis le début (merci), vous vous souvenez peut-être que le but de ce voyage, plus ou moins, était d'aller voir une amie. C'est ainsi que j'ai successivement traversé la Turquie, l'Arménie, la Géorgie, l’Azerbaïdjan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan, quelques autres pays d'Asie Centrale, la Chine (1, 2 et 3), le Tibet (1 et 2), la Russie... J'arrive enfin, après de longs mois d'errance, à Tallinn, la capitale de l'Estonie. Je prends un bus pour aller à Tartu, la seconde ville du pays, où elle habite. Je marche dans les rues enneigées, trouve enfin sa maison et... me retrouve devant une porte close.
Madleen (c'est son prénom), m'avait laissé un mot, elle avait un rdv médical à Tallinn. Un voisin m'a fait entrer chez elle - heureusement car là-bas, l'hiver, il fait froid. Puis elle est arrivée et nous avons enfin pu discuter... Ça fait du bien de revoir des amis. Je sais, ça semble évident, tellement qu'on ne s'en rend pas toujours compte. 

Géographiquement l'Estonie est le plus au nord des pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie). Comme vous l'avez deviné, ces 3 petits pays sont au bord de la mer Baltique. Je ne sais pas pourquoi la Suède, la Pologne ou la Finlande, entres autres, ne sont pas des pays baltes, puisqu'ils baignent aussi dedans. Enfin, quand je dis baigner... pas en hiver. Sur la photo de la côte ci-dessus, on voit qu'il y a une large bande de banquise avant de pouvoir rejoindre l'eau partiellement libre. En face, à 85 km, c'est la Finlande.

Les rues du centre-ville de Tallinn : de belles maisons, de la neige sur les toits, il manque juste un grand sapin au milieu de la place pour se croire dans un conte de Noël, ... un peu en retard certes, puisque cette photo hivernale a été prise en février (1996). Malgré le froid (autour de -15°), les gens se promènent tranquillement.

Voici Tallinn vue sous un autre angle : on y voit une ville vivante, avec des industries, au bord de la mer. Plus personne ne pense à Noël, et pourtant c'est bien la même ville. Il faut toujours se méfier des photos, des clichés, qui ne dévoilent que ce que l'on veut montrer, et trop souvent cachent la banalité du quotidien. Ce n'est d'ailleurs guère mieux quand on ne montre que le quotidien déprimant des gens... Bref, c'est pas si simple, la photo.

Comment imaginer que cette rue était en URSS quelques années auparavant ? Elle fait plus penser aux villes protestantes du nord de l’Europe, ou de l'Allemagne. De fait, l'Estonie a une histoire un peu à part dans l'ancienne Union soviétique : elle est réellement plus proche de la Finlande, avec laquelle elle partage une grande partie de ses racines et de sa culture, que de la Russie ou même des autres pays baltes. Cette différence m'a littéralement sauté aux yeux dès mon arrivée. C’était sans doute la plus "européenne" des anciennes républiques soviétiques. Elle a d'ailleurs rapidement rejoint l’Otan et l'Union européenne.

Dès l'indépendance, l'Estonie a fait le ménage : du PC, faisons table rase ;-) . Les usines russes sont reparties chez elles et le pays s'est engagé dans son propre développement. Le problème a été différent pour les populations russophones vivant en Estonie qui représentent environ 20 % de la population et sont généralement mal intégrées. Peu parlent l'estonien (de la famille des langues finno-ougriennes), et elles vivent en communautés fermées. Elles ont peu de contacts avec les Estoniens. Malgré tout, 70 000 russophones ont opté pour la nationalité estonienne depuis l'indépendance, après avoir passé avec succès un examen linguistique et culturel, tandis que 100 000, souvent âgés, choisissaient la nationalité russe. Environ 170 000 russophones n'ont pas voulu trancher et sont depuis reconnus par l'Estonie comme étant des "non-citoyens". Les envahisseurs d'hier sont devenus des parias en quelques mois.

Puisque l'on parle de la question de la langue : sans dévoiler sa vie privée, je voudrais juste signaler qu'en 1996, Madleen était sans doute une des rares Estoniennes (adulte) à ne pas parler russe. Ayant grandi en France, elle parle parfaitement le français, mais n'a pas appris le russe. Du temps de l'URSS, tous les Estoniens apprenaient le russe à l’école, il était nécessaire pour travailler et avoir un poste intéressant. Il y a eu un complet retournement de la situation. Aujourd'hui les jeunes Estoniens apprennent l'anglais en langue étrangère, puis l'allemand, le suédois, voire le français... mais peu le russe.

Voici Tartu, la deuxième plus grande ville d'Estonie, considérée comme la capitale culturelle et intellectuelle du pays. Tartu sera la capitale européenne de la culture pour l’année 2024. Peut-être que le petit garçon que nous voyons ici pousser sa luge présentera ses œuvres. Ou peut-être que je devrais exposer les miennes ?
Si vous vous demandez : sur la droite, le "toidupood", c'est une épicerie.

Voici d'ailleurs le musée d'Art de Tartu. Sans surprise, son surnom est la "Maison Penchée". Construit en 1793, le bâtiment commença à s'incliner d’un côté en raison de la différence des matériaux utilisés pour créer les fondations. Depuis une restauration menée par des experts polonais, le bâtiment a cessé de "pencher".

La cathédrale de Tartu, construite dans la seconde moitié du XIIIe siècle, fut ravagée par un incendie en 1624. Elle est depuis ouverte à tous les vents. D'après le recensement de 2011, 65% des Estoniens de 15 ans et plus ont indiqué être non-croyants, le reste est orthodoxe ou luthérien... mais il existe aussi de nombreux adeptes de néo-paganisme, non comptabilisés. La mythologie estonienne regorge de fées, démons, arbres sacrés, ... Il y a, sans nul doute, plus de druides en Estonie que dans toute la Gaule. Vous ne le saviez pas ? C'est normal, ces choses-là sont plutôt secrètes et le petit peuple est très très discret...

Doit-on comprendre que dans cette région, les villages sont interdits ? 48 % du pays est constitué de bois et de forêts, la taïga, et 13 % de marais à tourbe. L'Estonie compte également plus de 1 400 lacs et plus de 1 500 petites îles dans la Baltique. Les Estoniens, comme les autres populations nordiques, sont très proches de la nature et soucieux de la préservation de l'environnement, mais aussi donc des discrètes divinités.

Un soir le voisin de mon amie est venu pour discuter, prendre un verre et jouer un peu de musique. L'accordéon était très populaire en Union soviétique. Pour en avoir entendus, les Estoniens sont aussi très bons pour les chants choraux traditionnels.

Qui a dit que l'Estonie était un petit pays vieillot, traditionnel et sans intérêt ? Regardez plutôt cette vitrine d'un magasin de vêtements de Tallinn. All you need is love...
En parlant de modernité, vous saviez que le logiciel Skype venait d'Estonie ? Le pays est aussi considéré comme l’un des plus développés du monde sur le plan numérique : 99 % des services publics sont accessibles en ligne. Les seuls actes administratifs qui exigent de se déplacer sont les mariages, les divorces, et les transactions immobilières.

Quand tu es au bout de ta route, et que tu dois retourner chez toi - on a dit chez toi, pas sur le toit... C'est presque la fin du voyage.
Ensuite j'ai pris un train de nuit, visité Varsovie le jour suivant, puis repris un train de nuit, revu Berlin pendant quelques heures, puis un car de nuit, et suis enfin arrivé à Paris au petit matin du 3eme jour. La grande boucle a été bouclée. Il n'y aura sans doute pas de note sur la Pologne et l'Allemagne, mais certainement un petit bilan de tout ce voyage... à bientôt donc !

Faut-il vraiment vous rappeler que tout ce qui est écrit dans cette page est mon témoignage sur mon voyage fait en février 1996, et que tout a beaucoup changé depuis... J'y suis d'ailleurs retourné en juillet 1998, et ça avait déjà beaucoup changé, ce n’était plus du tout le même pays... enfin, c'est surtout qu'il n'y avait plus de neige et que le soleil ne se couchait presque pas ;-)
Si vous avez des commentaires, questions, infos, ... n’hésitez pas !
La bise à tous mes éventuels lecteurs estoniens, et aux autres aussi. Nägemist !

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