миру мир ! ("mirou mir" - la paix dans le monde), tel est l’accueil que vous réserve la petite ville d'Och, au Kirghizstan. Mais avant de parler de ce bel exemple de propagande de l’Union Soviétique, voyons plutôt comment je suis arrivé ici.
Mi-octobre 1995, je suis à Samarcande, en Ouzbékistan, et en possession d'un visa me permettant de transiter dans toutes les républiques d'Asie centrale. Plutôt que de me rendre directement à Tachkent, la capitale, je décide de visiter un peu les environs, ou du moins ce qui n'est pas trop dangereux. Je rencontre de nombreux Afghans qui me déconseillent franchement d'aller dans leur beau pays, car il y a alors une guerre civile entre de nombreuses factions rivales, et un laisser-passer pour une région pourrait être source de problème dans la suivante. Un beau casse-tête, et certainement pas un endroit où faire un petit tour.
Je décide d'aller au Kirghizstan. Pour cela, je dois traverser un peu le nord du Tadjikistan avant d'atteindre la vallée de Ferghana (Ouzbékistan), et enfin rejoindre la ville d'Och (deuxième ville du Kirghizstan - il y a une carte en bas de page).
Le Tadjikistan
Que dire du Tadjikistan ? Tout d'abord que je n'en ai aucune photo. J'ai traversé le nord du pays en bus, sur une route fortement surveillée avec de très nombreux check-point. Il n'y a eu que deux arrêts, hormis les barrages militaires : le premier pour manger, le second pour changer un pneu crevé, pas vraiment excitant comme reportage ;-). Il faut dire qu'entre 1992 et 1997 le pays est en état de guerre civile. C'est un conflit politique, ethnique et séparatiste, opposant le "camp communiste" aux "islamo-démocrates". Il faut noter que juste au sud du pays se trouve l'Afghanistan, dont les multiples guerres civiles depuis 1979 sont malheureusement bien connues. De nombreux Tadjiks ont participé à ces conflits en Afghanistan, soit en tant qu'occupants soviétiques, soit chez les moudjahidines ou encore les Talibans. La guerre civile tadjike a provoqué la mort de 50 000 à 100 000 personnes et près d'un million de réfugiés. Vous comprenez maintenant pourquoi je ne suis donc pas allé à Douchanbé, la capitale.
Och, deuxième ville du Kirghizstan, est une ancienne étape de la Route de la soie. Elle se trouve au fond de la vallée de Ferghana, dont la plus grande partie est maintenant en Ouzbékistan (et un petit bout au Tadjikistan). Désormais, la vallée se trouve traversée de véritables frontières nationales avec des postes douaniers et des zones militaires interdites, ce qui provoque des heurts fréquents entre différentes communautés qui se trouvent à l'état de minorité derrière l'une ou l'autre frontière. C'est ainsi qu'en 2010, environ 200 Ouzbeks résidant à Och sont tués. Ironie de l'histoire, les maisons situées juste sous le panneau annonçant la paix dans le monde (voir la première photo) sont parties en fumée lors de ces affrontements inter-ethniques. De tels troubles s’étaient déjà produits dans les années 1980, puis 1990. Les tensions ne se sont jamais apaisées dans la vallée. En 1995 en tout cas, tout semble calme.
La région d'Och vit principalement de l'agriculture, avec des productions de coton, de riz, de tabac, de fruits et de légumes. Son marché est vieux de plus de 2000 ans, et fut longtemps un des plus grand d'Asie centrale. On y trouve des navets vert, des tomates oranges, des végétaux inconnus en France... La région est aussi une plaque tournante du trafic de drogue. L'opium et l'héroïne produits en Afghanistan transitent par la région, au travers des hautes montagnes du Pamir, pour suivre les "routes du nord", en direction de la Russie et de l'Europe. En 1995, 1 kg d'opium pouvait s’échanger contre 50 kg de pain chez le producteur. Oui, les cultivateurs de pavot sont souvent de pauvres paysans exploités par les réseaux mafieux. Bon, ça veut pas dire non plus qu'il faut essayer de mettre en place une filière de commerce équitable...
Voici la photo de mariage de Mahmoud et Dilfouza. Pour la petite histoire, j'ai rencontré Mahmoud dans le bus qui me conduisait au Kirghizstan, il était sur le siège d’à côté, nous avons discuté pendant une bonne partie du trajet. En arrivant à Och, il me demande où je vais dormir, et je lui réponds : "je ne sais pas, je vais chercher un hôtel". Et il m'a invité à venir chez lui. J'ai donc passé quelques jours en sa compagnie. Il m'a fait visiter sa ville, montré la vie de ses habitants. Il travaillait dans "l'import-export", mais de thé, pas de drogue. Comme je n'ai pas été contrôlé à la douane (il n'y en avait pas), et que je ne suis pas allé dans un hôtel, mon séjour au Kirghizstan fut complètement clandestin. Il n'y en a, que je sache, nulle trace (heu... mince, je viens d'en laisser une).
Voici la suite du trajet : après le Kirghizstan, je reviens en Ouzbékistan : à Ferghana puis Tachkent (voir l'épisode précédent : j'y passe quelques jours pour obtenir mon visa chinois). Ensuite je repars vers le Kazakhstan. Un bus direct me conduit à Alma-Ata, maintenant appelée Almaty, qui est alors la capitale du pays. Celle-ci sera transférée à Astana en 1997, ville qui en 2019 a changé elle aussi de nom et que l'on désigne maintenant comme Noursoultan - du nom de son ancien président Noursoultan Nazarbaïev - oui, pas de doute, on est bien en Asie centrale...
La région d'Almaty est fréquemment touchée par des tremblements de terre. Durant les 125 dernières années, trois séismes destructeurs ont eu lieu dont l'épicentre était à moins de 130 kilomètres d'Almaty. À chaque séisme la ville a été fortement détruite. Autant le dire franchement, après Achgabat et Tachkent, je commence a être rasé par ces villes soviétiques reconstruites. En descendant du bus, je vais au guichet de la gare routière et demande quand part le prochain bus pour la Chine. On me montre alors un bus en train de démarrer... je saute dedans alors qu'il commence à partir - oui, il part la porte ouverte, et alors ? ;-) Je ne suis donc resté que quelques minutes sur le sol du Kazakhstan. Good bye Lénine (photo ci-dessus), et bientôt, good morning Mao.
La bise à tous mes éventuels lecteurs tadjiks, kirghizes et kazakhs, et aux autres aussi. Jakshy kalyngyz !
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